Doré sort de son silence
Responsable commercial du Racing Club de Lens de 1988 à 2012 puis président de l'association RCL en 2012-13, Serge Doré suit depuis l’actualité lensoise de loin. Après près de deux ans de silence, il s'exprime dans le journal But! Lens de juin, en vente demain dans les kiosques. Voici les principaux points abordés par Serge Doré.
La descente de 2008
"Ce n'est que mon avis, et je ne vis pas avec des certitudes, mais le club a certainement payé très cher la perte de deux grands professionnels du football, sur la base d'une stratégie de formation et de recrutement intelligent. Je pense à Jean-Luc Lamarche et à Patrice Bergues."
Francis Collado
"Mes relations avec Francis collado, c'est vrai, n'ont pas toujours été au beau fixe. Elles ont même souvent été mauvaises. Mais je reconnais qu'au niveau administratif et financier, il avait de grandes qualités. Une entreprise où il n'y a pas de tiraillements, c'est totalement contre-productif. Maintenant, il ne faut pas que ça tourne à la guerre de pouvoir. Il faut juste connaître ses dominantes. Je n'aurais jamais la prétention de devenir directeur financier. En revanche, je pense que dans le secteur commercial, j'ai fait mes preuves. D'autres ont un peu tout mélangé, avec le domaine sportif notamment..."
Luc Dayan
"J'ai des doutes sur la crédibilité de Dayan. [...] Le jour où il a été nommé président, il y avait une réunion organisée avec les partenaires dans l'amphithéâtre de la Gaillette. Dayan a pris la parole et a souligné ma présence, en disant que nous étions amis de longue date. Je ne l'avais pourtant vu que deux fois une minute trente dans ma vie, dans des réunions parisiennes ! Je pense surtout qu'il avait mesuré que j'avais encore un peu de crédit auprès des partenaires du club. Donc, il s'est dit : "Si Doré est encore là, on va pouvoir enclencher sur le partenariat". C'est tout. Dayan, je le connaissais à travers la presse. C'est un garçon d'une politesse incroyable, agréable à vivre. Mais bon, on a très vite senti qu'il y avait une situation conflictuelle avec Gérard Lévêque. Ca veut dire qu'à nouveau, on a senti que deux clans se créaient. D'un côté, les "adoptés" par Lévêque et réunis dans un truc qu'ils appelaient COMEX (comité exécutif). Et en face, les pro Dayan. Maintenant, lorsqu'on regarde l'histoire de Dayan en général, je pose la question : il a sauvé combien de club ? Qu'a-t-il réussi hormis une bonne opération financière à Lille ? Et après ?"
Son départ du club
"Il y a eu de la souffrance. Car lorsque vous allez au football depuis l'âge de quatre ans, que vous avez eu la chance de pouvoir bosser dans ce que vous aimez le plus au monde, en dehors de votre famille, et qu'un jour ça s'arrête, vous ressentez une vraie frustration. Quand, dans les mois qui suivent, il y a match à Bollaert et que vous avez décidé de ne plus y mettre les pieds, vous vivez de grands moments de tristesse. Mais on s'habitue à tout. J'ai trouvé d'autres centres d'intérêt même si je reste à l'affût des informations sur le club. Franchement, je ne pensais pas être capable de me désintoxiquer aussi vite."
Hafiz Mammadov
"Comme tout le monde, je l'ai vu à la télé, dans une émission de Canal+, en train de boire un verre de Petrus à quatre heures du matin. Déjà ça, ça surprend. En revanche, c'est quelqu'un qui a mis 28 M€ dans le club. Ce ne sont quand même pas des cacahuètes ! Si, un moment donné, il a mis autant d'argent, c'est qu'il avait fort probablement un projet avec Gervais. Alors pour quelles raisons sont-ils aujourd'hui dans une situation de blocage, je l'ignore complétement. Peut-être que Gervais s'est engagé sur des informations erronées. Cela dit, le Crédit Agricole avait quand même validé la cession de ses parts à Mammadov. Or, je ne pense pas qu'un organisme bancaire comme celui-là l'a fait à la légère."
Prêt à reprendre le club en compagnie de partenaires locaux ?
"Faux. Totalement faux ! Un projet de reprise ? Je ne m'appelle pas Mammadov et je n'en connais pas d'autres. Pas d'affabulation ! Vous croyez vraiment qu'il y a des investisseurs locaux avec suffisamment de moyens financiers pour entrer dans le monde du foot ? Tiens, ne serait-ce que sur l'ensemble du pays, combien d'investisseurs français sont présents dans le football hexagonal ? Le dernier qui a mis beaucoup d'argent, il était à Valenciennes et il s'appelle Jean-Raymond Legrand. Combien a-t-il perdu ? Treize millions sur un patrimoine de 18-20 millions d'euros, c'est pas mal, non ? Et lui les a perdus en un an et demi. Ca veut dire qu'aujourd'hui, il ne faut pas un peu mais énormément d'argent pour mettre un pied dans le foot !"
Gervais Martel
"Gervais a toujours aimé avoir une petite cour autour de lui. Je n'en faisais pas partie. Parce que l'amitié que j'avais pour lui et la fidélité n'ont pas fait de moi un membre des différentes cours. J'ai toujours été une force d'opposition. Il y a souvent eu des prises de gueules entre nous, constructives, mais des prises de gueules. Il a un caractère mais j'ai le mien. Et quelque part, je pense l'avoir protégé durant de nombreuses années. [...] Je sais comment il est. Un jour, on va se croiser et il va me dire : "Sergio faut qu'on bouffe ensemble". Je vais lui répondre : "Qui appelle l'autre ?". Il va me dire lui. Et trois mois après, il ne m'aura pas appelé... C'est Gervais, c'est comme ça. Moi, je sais ce que j'ai fait pour lui dans et en dehors du foot. Mais Gervais, on le prend comme il est. C'est tout."
L'hostilité d'une partie des fans
"C'est une hostilité que l'on ne retrouve que chez les assidus des sites internet. Il y a fort probablement de la colère envers Gervais mais à la hauteur de l'amour qu'ils ont toujours pour lui. Et je pense que Gervais a une intelligence telle que si demain les voyants repassent au vert, quinze jours après, il aura retourné la situation auprès du public. Les gens ont vraiment beaucoup d'affection pour lui. Ils lui font des reproches, probablement parfois justifiés, mais ils savent aussi son amour pour le club. Alors, il fait quelque fois preuve de maladresse, mais comme tout homme... Je suis convaincu qu'il a encore aujourd'hui une cote énorme auprès des supporters. Vous savez, il en a déjà pris plein la gueule comme ça pendant des années. Ce n'est pas la première crise. C'est vrai que celle-là est difficile. Mais il y en a eu d'autres. Ce n'est pas la première descente. Il a toujours rebondi."
Les supporters
"J'ai retenu deux chiffres durant ma carrière au RCL. Deux mille personnes dans les salons, des chefs d'entreprises avec leurs invités, c'est 16 M€ de chiffre d'affaire. Les 33 000 autres supporters, c'est 7 M€ de recette guichets. Ce sont eux qui attirent le monde économique ! Le spectacle de Bollaert n'est pas seulement sur le terrain, il est aussi dans les tribunes. Des gens viennent aussi pour l'ambiance. Et c'est incontournable. Avant 1998, on parlait du fabuleux public de Bollaert mais jamais de l'équipe. Un jour, on a été champion et on a commencé à parler de la fabuleuse équipe du Racing Club de Lens. Mais l'histoire du club a toujours été marquée par son public."
L'avenir du club
"Sur le long terme, je suis optimiste. Ce club ne peut pas mourir. C'est impossible. Sur le très court terme, il y a un forme d'inquiétude. Je pense que Gervais n'a pas beaucoup de solutions. Ou vendre des jeunes pour faire entrer de l'argent ou se dégager des pattes de Mammadov et faire rentrer un investisseur un peu moins lointain si possible. Ensuite, il faudra repartir sur des bases saines et ne vivre que des ressources naturelles d'un club de football."
Lance